Pour Patrick Lagarde, PDG de Brink’s France, l’argent liquide, très plébiscité par les Français, garantit une liberté des paiements que les nouvelles technologies ne doivent pas entraver. Article de Hayat Gazzane – Le Figaro
Le Figaro – Que signifie cet attachement des Français au cash?
Patrick Lagarde – Cela signifie que les Français sont très attachés à la liberté de paiement. Selon eux, il y a de la place pour le paiement en liquide, en carte bancaire ou encore sans contact… Envisager la disparition du cash est une utopie. On constate d’ailleurs que pour les Français, ce système n’est pas du tout archaïque.Il y a même un paradoxe: ce sont les plus jeunes qui le qualifient de moderne! Selon moi, cet attachement traduit aussi une forme de pragmatisme et de confiance dans cet argent qui est palpable.
Les Français sont-ils plus attachés à l’argent liquide que leurs voisins européens?
Non! Les Français sont au bas de l’échelle. La part du cash en valeur dans les transactions est de 15%, un niveau relativement stable ces dernières années. Cela nous place dans les cinq derniers du classement. Les Allemands ont par exemple une culture de l’argent liquide plus importante.
L’argent liquide est très plébiscité pour les petits achats quotidiens. Dans ce contexte, le paiement sans-contact a-t-il une chance de se développer en France?
Il est difficile de répondre à cette question. Selon moi, cela dépend de la valeur que ce service peut créer pour l’usager. Aujourd’hui, l’argument du côté pratique du paiement sous 20 euros ne prend pas pour des raisons culturelles. Les Français n’ont pas l’habitude de sortir la carte pour des montants faibles. Ils préfèrent sortir les pièces ou billets pour payer les commerçants. De plus, ces derniers ne sont pas tous équipés en terminaux adaptés. Donc je pense que le consommateur utilisera le sans contact s’il y est contraint et forcé.
Comment la Brink’s envisage-t-elle son métier face à cette concurrence?
Je pense que cette étude est claire: il y a un avenir pour le cash qui répond aux besoins des consommateurs. Pour répondre à cette attente, nous envisageons de fluidifier la circulation de l’argent pour le rendre moins coûteux pour les professionnels. En effet, les consommateurs ne le voient pas mais l’argent à un coût pour les banques et les commerçants. Notre but est de le baisser au maximum. A terme, cela permettra par exemple de limiter les fermetures de DAB jugés coûteux, notamment en zone rurale. Le service de distribution d’argent liquide sera donc maintenu.
Comment y parvenir?
Cela suppose de changer notre manière de fonctionner. Nous avons ainsi obtenu – et nous sommes les seuls en zone euro – l’agrément d’établissement de paiement. Cela va nous permettre de revoir complètement notre système de circulation de l’argent. Jusqu’ici, tout l’argent que nous distribuions et que nous collections venait de la Banque de France. Cela supposait de nombreux va-et-vient de camions entre les bureaux de cette dernière et les professionnels, ainsi que des stockages importants. Cet agrément va désormais nous permettre de gérer nous même les fonds sans systématiquement passer par la Banque de France. Brink’s devient en quelque sorte un établissement de paiement, baptisée Brink’s France Finance, et non plus un gestionnaire de stocks. L’argent va circuler plus facilement grâce à une accélération de la rotation d’argent entre professionnels et les stocks seront divisés par 4 ou 5. En réduisant le circuit, nous réduisons aussi les risques pour nos agents. Le pilote est lancé aujourd’hui à Rennes. Il sera étendu d’ici une dizaine de jours à Saint-Lô. Nous avons la volonté de le développer sur tout le territoire d’ici juillet.